« Whaaou ! »
C'est la première chose qui nous est venue à la bouche, lorsqu'en rentrant dans ce bar, nous sommes tombés nez-à-nez avec cette énorme tête d'antilope, accrochée là, démesurée, régnant, majestueuse, sur ce bar petit et sans artifice.
« Elle vient d'Afrique du Sud » nous sort le gars derrière le comptoir.
C'est le patron. Pas très grand, grisonnant, il cache derrière sa moustache et sa tignasse bouclée et encore bien fournie, la gueule abîmée des gens qui ont bien vécu et à qui on ne peut donner d'âge.
On lui commande deux cafés, je pars acheter des pâtisseries à la boulangerie d'à côté, et on prend place sur les quelques tables installées dehors sur le trottoir, face à la route et au canal du Nivernais.
Nous sommes à Cercy-la-Tour, toujours en Bourgogne, et il nous reste encore quatorze kilomètres avant de rejoindre Decize où nous passerons la nuit.
Le patron vient vite nous rejoindre, s'allume une cigarette et s'assoit sur la table d'à côté. Nous sommes ses seuls clients.
On échange quelques banalités quand il se met à gueuler sur son chien, un petit Teckel, qui voulait aller sur la route. Mais il l'engueulait... en anglais.
« Elle aussi, elle vient d'Afrique du Sud. »
Deux références à l'Afrique du Sud, assez pour éveiller notre curiosité, et puis le gars avait envie de parler, alors on a commencé à poser des questions.
« J'ai vécu là-bas 27 ans. J'ai connu avant et après l'apartheid. Et bon disons que l'Afrique du Sud bah... aujourd'hui c'est plus la même chose... C'est un pays magnifique hein... mais c'est plus ce que c'était. »
Ah...
« Bon ils ont voulu la liberté mais là c'est pas la liberté, c'est l'anarchie. Mais bon... On va pas parler politique. »
Ouais... Nan.
Le type, marié à une anglaise, a beaucoup voyagé comme il dit, mais il a surtout connu l'Afrique, et plus précisemment l'Afrique anglophone. Il nous dit qu'il était dans le diesel, mais on apprend au fur et à mesure de la conversation qu'il travaillait en fait dans les mines de diamants. Le personnage se dessine petit à petit, détail après détail. Complexe, autant que peut l'être son histoire. Et malgré les dossiers sombres qu'on peut facilement lui imaginer, le type aime plaisanter et nous fait rire. Et son regard brille. Il a cette manie de se passer la main dans les cheveux, qui sonne comme un TOC, et cette façon presque efféminée de croiser les jambes. Il parle des années qui ont filé, et des gens qui maintenant passent devant son bar. C'est pas l'affaire du siècle, c'est sûr, mais ça va. Le type a vécu, et même si aujourd'hui c'est dur, il ne regrette pas.
Un habitué arrive. Il se lève, s'excuse et nous salue. Nous avons donc repris la route. Pendant un long moment nous n'avons pas beaucoup parlé, puis Yass s'est retourné vers moi et m'a dit :
« Drôle de bonhomme ! »
C'est la première chose qui nous est venue à la bouche, lorsqu'en rentrant dans ce bar, nous sommes tombés nez-à-nez avec cette énorme tête d'antilope, accrochée là, démesurée, régnant, majestueuse, sur ce bar petit et sans artifice.
« Elle vient d'Afrique du Sud » nous sort le gars derrière le comptoir.
C'est le patron. Pas très grand, grisonnant, il cache derrière sa moustache et sa tignasse bouclée et encore bien fournie, la gueule abîmée des gens qui ont bien vécu et à qui on ne peut donner d'âge.
On lui commande deux cafés, je pars acheter des pâtisseries à la boulangerie d'à côté, et on prend place sur les quelques tables installées dehors sur le trottoir, face à la route et au canal du Nivernais.
Nous sommes à Cercy-la-Tour, toujours en Bourgogne, et il nous reste encore quatorze kilomètres avant de rejoindre Decize où nous passerons la nuit.
Le patron vient vite nous rejoindre, s'allume une cigarette et s'assoit sur la table d'à côté. Nous sommes ses seuls clients.
On échange quelques banalités quand il se met à gueuler sur son chien, un petit Teckel, qui voulait aller sur la route. Mais il l'engueulait... en anglais.
« Elle aussi, elle vient d'Afrique du Sud. »
Deux références à l'Afrique du Sud, assez pour éveiller notre curiosité, et puis le gars avait envie de parler, alors on a commencé à poser des questions.
« J'ai vécu là-bas 27 ans. J'ai connu avant et après l'apartheid. Et bon disons que l'Afrique du Sud bah... aujourd'hui c'est plus la même chose... C'est un pays magnifique hein... mais c'est plus ce que c'était. »
Ah...
« Bon ils ont voulu la liberté mais là c'est pas la liberté, c'est l'anarchie. Mais bon... On va pas parler politique. »
Ouais... Nan.
Le type, marié à une anglaise, a beaucoup voyagé comme il dit, mais il a surtout connu l'Afrique, et plus précisemment l'Afrique anglophone. Il nous dit qu'il était dans le diesel, mais on apprend au fur et à mesure de la conversation qu'il travaillait en fait dans les mines de diamants. Le personnage se dessine petit à petit, détail après détail. Complexe, autant que peut l'être son histoire. Et malgré les dossiers sombres qu'on peut facilement lui imaginer, le type aime plaisanter et nous fait rire. Et son regard brille. Il a cette manie de se passer la main dans les cheveux, qui sonne comme un TOC, et cette façon presque efféminée de croiser les jambes. Il parle des années qui ont filé, et des gens qui maintenant passent devant son bar. C'est pas l'affaire du siècle, c'est sûr, mais ça va. Le type a vécu, et même si aujourd'hui c'est dur, il ne regrette pas.
Un habitué arrive. Il se lève, s'excuse et nous salue. Nous avons donc repris la route. Pendant un long moment nous n'avons pas beaucoup parlé, puis Yass s'est retourné vers moi et m'a dit :
« Drôle de bonhomme ! »